Fromage En Fête

Quand l’hiver étend son manteau sur les villes et les campagnes, les tables s’animent différemment. Le besoin de chaleur devient presque instinctif : lumière tamisée, plats généreux, gestes qui rassemblent.

Parmi ces rituels hivernaux, le fromage occupe l’une des places les plus réconfortantes. Plus qu’un aliment, c’est une culture, une mémoire vivante, un héritage pastoral qui traverse les frontières et les saisons. Chaque meule porte l’empreinte d’un terroir, d’un troupeau et d’une main humaine qui l’a guidée vers la maturité.

L’hiver met en lumière cette dimension presque spirituelle du fromage. Les affineurs, dans leurs caves aux odeurs de sous-bois et de pierre humide, révèlent des textures qui oscillent entre souplesse et granulosité, entre pâtes ivoire et croûtes mordorées.

Les artisans, les éleveurs et les bergers racontent à travers lui des histoires de transhumance, de gestes transmis, de savoir-faire locaux transformés au fil des siècles. Les restaurateurs, quant à eux, célèbrent ces trésors en les cuisinant, les fumant, les mariant à des alcools, les intégrant à des plats dont les parfums s’accordent aux longues soirées hivernales.

Aujourd’hui, le fromage n’est plus seulement l’invité final du repas : il inspire des menus entiers, des festivals gourmands, des collaborations inédites entre producteurs et chefs. On le retrouve dans les marchés de Noël, les concours internationaux, les tables d’altitude comme dans les assiettes de haute gastronomie.

Sa popularité n’a jamais été aussi forte, portée par un regain d’intérêt pour les produits fermiers, les fabrications artisanales et les circuits courts. À travers lui se dessine une géographie sensible, celle des vallées, des alpages, des plateaux calcaires et des pâturages riches qui façonnent les goûts.

Le fromage d’hiver est un paysage sensoriel. Il concentre l’intensité des mois froids, l’épaisseur des saveurs, la rondeur des textures, la puissance des croûtes lavées et la délicatesse des pâtes fleuries.

Il rappelle que la cuisine peut réchauffer autant qu’elle nourrit. C’est cette saison haute du fromage, faite de traditions, d’innovations et de découvertes, que ce dossier explore : une invitation à comprendre pourquoi nous y revenons toujours, comment il façonne notre culture culinaire, et quelles histoires s’écrivent aujourd’hui dans les caves du monde entier.

Pourquoi le fromage nous attire tant ?

Si notre gourmandise pour le fromage peut parfois sembler inexplicable, elle repose sur un mélange fascinant de biologie, de culture et d’histoire. Les casomorphines, petites molécules libérées lors de la digestion de la caséine — la principale protéine du lait — jouent un rôle clé.

Leur effet ressemble à celui des endorphines, ces hormones du plaisir : elles stimulent les récepteurs cérébraux liés à la satisfaction, renforçant l’envie de retrouver ce goût unique. En d’autres termes, manger du fromage peut déclencher une réaction chimique presque addictive, subtile mais réelle, qui se mêle à notre mémoire gustative.

Mais le fromage ne séduit pas seulement le corps : il excite l’esprit et l’imaginaire. Son attrait vient aussi de la variété infinie des textures et des saveurs : le crémeux d’un Brie, la granularité d’un Comté vieux, le piquant d’un Bleu ou la puissance aromatique d’un Munster.

Chaque bouchée raconte l’histoire d’un terroir, d’une saison, du régime alimentaire des animaux, de l’affinage, du climat et même des gestes précis de l’affineur. La diversité aromatique est telle qu’un même type de lait peut produire des fromages aux personnalités totalement différentes selon le savoir-faire appliqué, le microclimat de la cave et le temps d’affinage.

La dimension culturelle renforce encore l’attirance pour le fromage. Il incarne un héritage social et gastronomique, des Alpes suisses aux prairies normandes, des plateaux du Jura aux vallées pyrénéennes.

Il est associé à des rituels précis : la dégustation après un repas copieux, la préparation d’un plateau pour recevoir, la transmission d’un goût familial. La consommation de fromage est ainsi à la croisée du plaisir sensoriel et de la mémoire collective.

Chaque région cultive ses références, ses normes et ses traditions, créant une véritable cartographie de goûts et d’émotions.

Enfin, le fromage séduit par sa capacité à raconter le temps. L’affinage est une leçon de patience : de quelques semaines pour un jeune Saint-Nectaire à plusieurs années pour un Parmesan, chaque stade développe des arômes précis et un caractère unique.

Cette dimension temporelle — où le lait se transforme progressivement, où la croûte se colore et où la pâte gagne en profondeur — confère au fromage une aura presque magique, où le goût devient un reflet du temps, du savoir-faire et de la nature.

Plaisir gourmand et équilibre nutritionnel

Le fromage n’est pas seulement un plaisir pour les papilles : il constitue également un aliment dense sur le plan nutritionnel. Source précieuse de protéines de haute qualité, il fournit tous les acides aminés essentiels, indispensables pour la construction et la réparation des tissus musculaires.

Le calcium, présent en abondance dans de nombreux fromages, contribue au maintien de la solidité des os et des dents, tandis que le phosphore agit de concert pour renforcer le squelette. Ajoutons à cela des vitamines liposolubles comme la vitamine A, essentielle pour la vision et le système immunitaire, et la vitamine B12, nécessaire au bon fonctionnement du système nerveux et à la formation des globules rouges.

Au-delà des chiffres, le fromage joue un rôle dans l’équilibre alimentaire global. Consommé avec modération — 30 à 50 grammes par jour selon les recommandations — il peut s’intégrer à un régime varié sans risque, offrant un apport concentré en nutriments essentiels.

La diversité des types de fromage permet également de jouer sur les textures et les saveurs tout en modulant la densité nutritionnelle : les pâtes dures, comme le Comté ou le Gruyère, sont plus riches en calcium et en protéines, tandis que les fromages frais ou à pâte molle, comme la ricotta ou le chèvre frais, sont plus digestes et souvent moins caloriques.

Il existe aussi un aspect sensoriel et psychologique à la consommation du fromage. La texture fondante, la croûte légèrement sèche ou le goût puissant d’un affinage long créent un plaisir complexe qui engage plusieurs sens en même temps : le goût, l’odorat, le toucher et même la vue. La variété des fromages permet d’ajuster sa consommation selon ses besoins nutritionnels et son envie du moment, rendant chaque dégustation à la fois gourmande et satisfaisante.

Enfin, le fromage s’intègre dans un contexte culinaire et social qui renforce son rôle dans la santé et le bien-être. Sur un plateau partagé en famille, en amis ou lors d’un repas festif, il participe à la convivialité et à la transmission des goûts, contribuant à l’équilibre émotionnel et à la satisfaction générale.

L’important est de privilégier la variété, de combiner fromages jeunes et affinés, et de les associer à d’autres aliments comme le pain complet, les fruits, ou même les légumes pour obtenir un apport complet, équilibré et savoureux.

Les World Cheese Awards 2025 à Berne

Du 13 au 15 novembre 2025, la ville de Berne s’est transformée en véritable capitale internationale du fromage, accueillant la 37ᵉ édition des World Cheese Awards.

Pendant trois jours, le centre historique suisse a résonné des parfums puissants et des textures variées des meilleurs fromages venus des quatre coins du monde.

L’événement n’a pas seulement été un concours, mais un festival multisensoriel, avec des ateliers, des dégustations publiques et des conférences sur l’affinage, le lait cru et la durabilité dans la production fromagère.

Le choix de Berne comme hôte de cette édition n’est pas anodin. La Suisse, réputée pour ses pâturages riches, ses laiteries historiques et son savoir-faire fromager, offre un cadre idéal pour mettre en valeur la qualité et la diversité des produits.

La ville elle-même, avec ses ruelles médiévales et ses marchés emblématiques, a permis aux visiteurs de découvrir le fromage dans un contexte culturel et historique, reliant gastronomie et patrimoine.

Plus de 4 000 fromages étaient en compétition, provenant de plus de 40 pays, du Japon au Portugal, de l’Italie à la Nouvelle-Zélande.

Le jury, composé d’affineurs, chefs renommés, journalistes spécialisés et acheteurs internationaux, a évalué chaque produit selon des critères précis : l’apparence, la texture, l’arôme et le goût. Cette approche rigoureuse permet de mettre en lumière non seulement l’excellence technique, mais aussi l’originalité et la personnalité des fromages.

L’événement a également servi de plateforme d’innovation et de découverte. Les producteurs pouvaient présenter des affinages expérimentaux, des fromages biologiques ou issus de races laitières rares, offrant ainsi un panorama complet de l’évolution du secteur.

Les visiteurs ont pu assister à des démonstrations d’affinage, comprendre les subtilités des microflores et observer le travail minutieux des artisans. Les World Cheese Awards dépassent donc le simple concours : ils sont un véritable lieu de transmission et de valorisation du patrimoine fromager mondial.

Un concours d’excellence

Les World Cheese Awards ne sont pas seulement un événement annuel, mais un véritable repère mondial pour la qualité et l’innovation fromagère. Lancés en 1988 par la Guild of Fine Food, organisation britannique dédiée à la promotion des produits alimentaires artisanaux, ils sont rapidement devenus la référence incontournable pour les producteurs, affineurs et amateurs de fromage du monde entier.

Chaque édition rassemble des milliers de fromages, allant des classiques européens aux créations audacieuses venues d’Asie, d’Amérique et d’Océanie, illustrant la diversité et la richesse des traditions laitières.

Le concours repose sur une évaluation rigoureuse par un jury international composé d’experts : affineurs expérimentés, chefs renommés, journalistes gastronomiques et acheteurs professionnels.

Chaque fromage est jugé selon des critères précis, allant de l’apparence visuelle à la complexité aromatique, de la texture à la cohérence globale en bouche.

L’attention portée aux détails garantit que seuls les produits les plus aboutis techniquement et gustativement atteignent les récompenses les plus prestigieuses.

Certaines éditions restent gravées dans les mémoires par leurs surprises et découvertes. En 2019, le Rogue River Blue, venu de l’Oregon, a marqué l’histoire en devenant le premier fromage américain couronné World Champion Cheese.

Affiné neuf à onze mois, enveloppé de feuilles de vigne de Syrah imbibées de poire, il a séduit le jury par l’originalité de son affinage et la complexité de ses arômes, démontrant que les États-Unis pouvaient rivaliser avec les grandes traditions européennes.

L’édition 2022 a mis en lumière le Gruyère AOP « Gourmino », incarnation de l’excellence alpine suisse. Les meules dorées à la croûte parfaite, à la pâte cristallisée et aux arômes subtils de pierre et de foin, ont rappelé que la rigueur des terroirs suisses et le savoir-faire des maîtres fromagers continuent de produire des références mondiales.

En 2023, le Nidelven Blå, bleu semi-souple norvégien, a impressionné par son équilibre parfait entre puissance et douceur, sa texture dense et fondante, et ses notes fruitées accompagnées d’une légère rondeur rappelant certains vins, confirmant l’essor des pays nordiques dans la production de fromages fins.

Au-delà des trophées, le concours est aussi une plateforme d’échanges et de formation. Les producteurs peuvent rencontrer leurs pairs, découvrir de nouvelles techniques, explorer des races laitières oubliées ou des méthodes d’affinage alternatives, tandis que le public assiste à des masterclasses, dégustations guidées et conférences sur la durabilité et l’innovation.

Ainsi, les World Cheese Awards allient compétition, découverte et transmission, révélant l’expertise, la créativité et la passion des artisans du monde entier, tout en sensibilisant le public aux subtilités de l’art fromager.

Est Emmental qui veut ?

L’Emmental est bien plus qu’un simple fromage à trous : il est le symbole d’un terroir et d’un savoir-faire qui remonte à plusieurs siècles. Produit dans la vallée de l’Emme, dans le canton de Berne, l’Emmental suisse bénéficie d’une AOC depuis 2006 et d’une AOP depuis 2012, garantissant un cahier des charges strict sur le lait, le processus de fabrication et l’affinage.

Traditionnellement fabriqué à partir de lait cru de vache, son affinage peut durer de quatre à douze mois, selon la taille des meules et le profil aromatique recherché. Le lait provient principalement de vaches nourries à l’herbe et au foin, un détail essentiel pour le développement des arômes typiques de noisette et de beurre frais, ainsi que pour la texture fondante et élastique de la pâte.

L’Emmental de Savoie, quant à lui, est souvent élaboré à partir de lait pasteurisé, et bénéficie d’une IGP depuis 1996, reflétant une reconnaissance géographique et une qualité protégée, mais avec des règles plus souples que son cousin suisse.

Cette flexibilité explique la diversité des textures et des goûts : certains Emmentals de Savoie sont plus doux et crémeux, d’autres plus fermes et rustiques. Là où l’Emmental suisse se distingue par ses « yeux » réguliers, symbole d’identité et de savoir-faire, l’Emmental savoyard peut présenter peu ou pas de trous, sans que cela nuise à sa qualité.

L’histoire de ces trous est fascinante et souvent méconnue. Une étude suisse de 2015 a révélé que les fameux « yeux » proviennent de micro-particules de foin restées dans le lait lors de la traite. Ces particules libèrent du dioxyde de carbone pendant la fermentation, formant les cavités caractéristiques. Cette découverte scientifique illustre à quel point la production de fromage est une interaction complexe entre matières premières, micro-organismes et gestes humains, où chaque détail influence le résultat final.

Au-delà de la technique, cette dualité entre Emmental suisse et savoyard illustre la diversité culturelle et gastronomique de la même tradition fromagère. Alors que les deux partagent une méthode de fabrication similaire et un goût doux et légèrement noisetté, leur identité reste propre : l’un est marqué par la régularité et la précision helvétiques, l’autre par la créativité et l’adaptabilité des alpages français.

Les amateurs de fromage le savent : reconnaître l’Emmental suisse à ses yeux parfaitement formés et son affinage minutieux est un plaisir autant visuel que gustatif, tandis que l’Emmental de Savoie invite à explorer une palette aromatique plus flexible et locale.

Les trous de la discorde

Les fameux trous de l’Emmental, appelés traditionnellement les « yeux », sont souvent source de fascination et de débat parmi les amateurs et professionnels du fromage. Ces cavités caractéristiques ne sont pas seulement un détail esthétique : elles reflètent la qualité du lait, la maîtrise de la fermentation et la tradition fromagère.

Dans l’Emmental suisse, les yeux doivent être ronds, réguliers et bien répartis, constituant un critère d’identité pour l’AOP. Ils témoignent de la parfaite combinaison entre l’alimentation des vaches, le processus de fermentation et les gestes précis des maîtres-fromagers.

La controverse surgit lorsqu’on compare l’Emmental suisse avec son cousin français, l’Emmental de Savoie. Ici, la présence de trous est moins systématique, et certaines meules peuvent même en être dépourvues.

Cette différence ne traduit pas un manque de qualité, mais des choix techniques et culturels différents. En Suisse, les yeux sont devenus un symbole emblématique, valorisé par les consommateurs et intégré dans l’imaginaire du fromage. En Savoie, la priorité reste la texture, la saveur et l’adaptation aux habitudes culinaires locales, laissant plus de liberté dans la formation des trous.

L’origine scientifique des yeux est tout aussi fascinante que leur aspect visuel. Une étude menée en 2015 a confirmé que ces cavités résultent de micro-particules de foin restées dans le lait après la traite. Sous l’action des bactéries propioniques, ces particules libèrent du dioxyde de carbone, créant de petites bulles qui deviennent les yeux caractéristiques lors de l’affinage.

Ce phénomène montre à quel point le lait cru et son environnement sont déterminants pour la qualité finale : chaque micro-detail — du pâturage à la traite — influe sur la formation de ces cavités et donc sur le caractère unique du fromage.

Cette subtilité explique pourquoi la présence ou l’absence de trous peut parfois devenir un sujet de débat parmi les producteurs, les chefs et les dégustateurs. Dans certains contextes, comme pour un Gruyère AOP, les trous seraient considérés comme un défaut, alors qu’ils sont l’âme de l’Emmental suisse.

Cette dualité illustre la diversité des standards et des traditions fromagères, et souligne que chaque fromage raconte une histoire : celle de son terroir, de son lait, de ses bactéries et du savoir-faire humain.

L’affineur

L’affineur est l’artisan chargé de guider le fromage tout au long de sa maturation. Dans les caves, il observe chaque meule, touche sa croûte et ajuste avec précision l’humidité, la température et la ventilation.

Ces interventions quotidiennes influencent la texture, la saveur et l’arôme, et permettent à chaque fromage de développer son identité propre. Le retournement régulier des meules et le brossage des croûtes participent à la croissance de la flore microbienne, qui joue un rôle central dans la formation des arômes.

L’affineur observe également des signaux subtils pour intervenir au bon moment : légers craquements de la croûte, odeurs spécifiques, fermeté de la pâte, nuances de couleur. Ces indices indiquent si la maturation se déroule correctement ou si un ajustement est nécessaire.

Il choisit alors de prolonger l’affinage, de réduire l’humidité ou de modifier la ventilation pour équilibrer les saveurs. Le métier combine la rigueur scientifique de l’observation des micro-organismes avec l’intuition sensorielle développée au fil des années.

En outre, l’affineur contribue à la valorisation culturelle et gastronomique du fromage. Il transmet son savoir aux apprentis et informe les consommateurs sur les particularités de chaque meule, faisant le lien entre terroir, lait, saison et tradition.

Chaque fromage devient ainsi le reflet d’un lieu, d’un pâturage, d’une vache ou d’un troupeau, et la cave devient un espace où l’histoire, la biologie et le goût se rencontrent.

La science du fromage

Certaines croûtes sont frottées à la saumure ou au vin pour stimuler les bactéries et levures spécifiques, tandis que d’autres restent naturelles pour laisser apparaître des notes plus subtiles.

L’affineur agit ainsi comme un médiateur entre le lait, la nature et le palais, orchestrant le travail des micro-organismes pour transformer un produit brut en expérience gustative.

Chaque fromage est le résultat d’une interaction complexe entre micro-organismes et environnement. Les bactéries, levures et moisissures coopèrent dans un processus de fermentation où chaque étape compte.

Les levures présentes en début d’affinage acidifient la surface, préparant le terrain pour le développement de bactéries spécifiques qui façonneront ensuite la texture et le goût.

Les moisissures, visibles ou invisibles, contribuent à la couleur, à la saveur et à la structure de la pâte. Cette dynamique microbienne explique la variété des textures, du crémeux du Brie au granuleux du Comté, et des arômes, du doux et lacté au puissant et fruité.

Quand le hip-hop affine le fromage

L’affinage du fromage ne se limite pas aux gestes traditionnels de l’affineur. Depuis quelques années, des expériences innovantes explorent l’impact de la musique sur la maturation, ouvrant un dialogue fascinant entre science, son et goût. En 2019, une initiative suisse baptisée Cheese in Surround Sound a soumis des meules d’Emmental à différents genres musicaux pour observer leurs effets sur les micro-organismes responsables de la fermentation.

Le résultat a surpris les chercheurs et passionnés : les fromages exposés au hip-hop, notamment à des morceaux comme Jazz (We’ve Got) de A Tribe Called Quest, développaient une saveur plus fruitée et une odeur plus prononcée. Les vibrations sonores influencent probablement l’activité des levures et bactéries de surface, modifiant subtilement la texture et les arômes. En revanche, les meules ayant écouté du classique, du rock, de l’ambient ou de la techno ne montraient pas de différences significatives par rapport au fromage témoin resté au silence, suggérant que certaines fréquences et rythmes interagissent différemment avec le milieu microbien.

Cette expérience va bien au-delà du simple amusement : elle met en lumière le lien complexe entre environnement, micro-organismes et maturation. Les ondes sonores peuvent influencer l’activité métabolique des micro-organismes, leur production d’acides et d’arômes, et donc le goût final du fromage. Elle illustre également la créativité des affineurs et chercheurs, prêts à repenser des méthodes ancestrales pour enrichir l’expérience gustative.

Au-delà de la science, cette initiative révèle une dimension quasi poétique : la musique devient un ingrédient invisible, un partenaire de l’artisan, qui ajoute une signature sensorielle unique à chaque meule. Le fromage, déjà vivant par nature, se transforme ainsi en œuvre multidimensionnelle, où la science et l’intuition, la tradition et l’expérimentation, se conjuguent pour offrir des sensations inédites au palais.

Cette approche innovante ouvre de nouvelles perspectives pour les affineurs et les gastronomes curieux. On imagine déjà des caves où la musique serait choisie en fonction du type de fromage, de sa durée de maturation et des notes recherchées, créant un véritable orchestrage sensoriel. Dans un monde où la gastronomie cherche à surprendre et à émerveiller, le mariage du son et du fromage invite à réinventer le plaisir de la dégustation et à explorer la frontière entre science et art.

La fondue vs…

Lorsque l’hiver enveloppe les montagnes, les caquelons et poêlons fédèrent. La fondue aux fromages trouve ses racines dans les traditions suisses du XIIIe siècle.

La version suisse mélange 3 fromages d’exception au lait cru de vache, les meilleurs du pays : le Gruyère des Grottes AOP, l’Appenzeller et le Vacherin Fribourgeois AOP.

Tandis qu’en France la fondue savoyarde se compose plutôt de Comté, d’Emmental de Savoie et de Beaufort.

Le premier apporte douceur et profondeur : jeune, il se fait rond et tendre, plus affiné, il devient corsé.

Le second, au goût noisetté, fond gracieusement et ajoute une touche subtile. Le dernier, riche et aromatique, orchestre le mélange, et sa variante estivale offre une délicate note florale des alpages.

Suisses ou français, les fromages sont choisis pour leurs caractéristiques propres et leur capacité à donner une fondue harmonieuse, qui ne devient pas caoutchouteuse.

…la raclette

Les premières traces écrites de la raclette remontent à 1574, lorsque le médecin valaisan Giovanni de Sion évoquait un « fromage savoureux, gras et tendre » fondu devant le feu.

À l’époque, les bergers alpins consommaient ce fromage directement près du foyer, en faisant fondre les meules tranchées pour accompagner le pain et les pommes de terre.

Le nom même de « raclette » vient de la façon de « racler » le fromage fondu depuis la meule jusqu’à l’assiette. Née de la nécessité de réchauffer et nourrir, la raclette est devenue un rituel incontournable de l’hiver.

Au fil des siècles, la raclette a évolué : des meules de lait cru aux versions pasteurisées, des cheminées aux appareils électriques.

Et pour sortir des sentiers battus, on s’autorise à utiliser des fromages variés qui fondent tout aussi bien : la tomme de Savoie ou le reblochon pour leur douceur et leur rondeur .

Le Ribeaupierre pour sa localité et sa variété de saveurs ; le Morbier pour sa ligne de cendre et son goût délicat ; la Fontina ou un cheddar affiné pour une version plus intense ; et pourquoi pas des fromages de chèvre ou de brebis, aux notes acidulées ou herbacées ?

Notre tour d’Europe des fromages

L’hiver met en valeur les fromages à forte personnalité dont chacun illustre la diversité des Appellations Protégées européennes. Le terroir, le type de lait, la race de vache, de brebis ou de chèvre, la méthode de production et la durée d’affinage façonnent le goût et la texture.

Le Vacherin Mont d’Or suisse

Cousin du Mont d’Or français, est un fromage crémeux, coulant à cœur, que l’on aime au caquelon ou au four, accompagné de pommes de terre ou de pain. Produit dans le Jura suisse entre septembre et avril, il est fabriqué à partir de lait cru ou thermisé, enfermé dans une bande d’épicéa qui imprime son goût boisé caractéristique, et affiné généralement pendant 3 à 6 semaines en cave humide.

Le Beaufort

Emblème des alpages savoyards, est issu du lait de vaches Tarine et Abondance. Pressé et cuit à 54–55 °C, il développe une pâte ferme, compacte et légèrement granuleuse, avec des notes fruitées et florales qui varient selon les saisons. Son affinage en cave, souvent entre 6 et 12 mois, crée des cristaux de tyrosine qui apportent une sensation légèrement croquante en bouche.

Le Stilton

Originaire des Midlands anglais, est reconnu pour ses veines bleues et sa texture friable mais fondante. Fabriqué à partir de lait de vache pasteurisé, Il est affiné pendant 9 à 12 semaines en cave et est souvent servi avec du porto ou des noix, qui équilibrent sa puissance aromatique.

Le Gorgonzola

Produit principalement en Lombardie et dans le Piémont italien, se décline en version douce (dolce) ou plus corsée (piccante). Sa pâte persillée est le résultat de l’inoculation de Penicillium roqueforti et d’un affinage de 50 à 90 jours, qui lui confère sa texture onctueuse et ses arômes prononcés.

Le Taleggio

Est un fromage italien à pâte molle et croûte lavée à l’eau salée, produit dans la région de Lombardie à partir de lait de vache et affiné généralement 4 à 6 semaines, voire plus. Sa texture onctueuse et ses arômes fruités et légèrement piquants apportent une richesse inattendue aux plats gratinés ou aux plateaux de dégustation.

Le Valdeon

Est un bleu espagnol de León, fabriqué à partir de lait de vache ou de chèvre et affiné dans des caves naturelles. Sa pâte persillée, crémeuse et aromatique, présente des notes de sous-bois et de champignons, parfait pour apporter caractère et complexité aux raclettes ou fondues revisitées.

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