Article du 14 mars 2023
Nous sommes les maillons interdépendants d’une chaîne vertueuse
Je me souviens des moments passés en cuisine avec ma grand-mère lorsque j’étais enfant. Comme beaucoup, ces souvenirs ancrés dans une cuisine locale, rurale et familiale, m’ont amené à me passionner très tôt pour les produits, les saveurs et les textures. Ce contexte a forgé une base solide sur laquelle m’appuyer pour évoluer.
Si j’ai monté ma première aff aire seul dans un studio de 47 m2 à Haguenau à la fi n des années 90, notre réussite est une véritable question d’équipe. L’histoire de la Fourchette des Ducs s’est notamment construite grâce aux précieux conseils et soutien de mon partenaire, Serge Schaal, et à la reconquête d’un lieu chargé d’histoire sur les traces d’Ettore Bugatti, classé à l’inventaire supplémentaire
des Monuments Historiques. On y retrouve, par ailleurs, des marqueteries signées Charles Spindler ainsi que des appliques et objets conçus spécialement par René Lalique.
Le succès se repose donc sur les opportunités et les rencontres, mais aussi sur la discipline et surtout l’envie de partage et de transmission.
Notre duo s’est rapidement transformé en quatuor et nous avons obtenu notre première étoile au Guide Michelin en 2002. Au fil des années, nous avons amélioré l’établissement et, en 2005, nous avons été gratifi és d’une deuxième étoile. D’un bâtiment classé «remarquable» au patrimoine historique, nous en avons fait un lieu d’excellence pour la gastronomie. Il y a un équilibre à trouver entre la tradition et l’innovation, mais il est aussi important de ne pas craindre d’être précurseur. Je suis convaincu que la gastronomie peut être un véritable catalyseur de changement, un moyen de rassembler les gens autour de valeurs communes. La gastronomie est bien plus qu’un simple plaisir gustatif, c’est un moyen de communiquer, de créer du lien social et de promouvoir des valeurs positives.
Nous sommes sensibles aux actions associatives et nous choyons les relations humaines. Conscients que nos métiers peuvent être des ascenseurs sociaux, nous mettons tout en œuvre pour soutenir les jeunes talents dans leurs objectifs et ambitions.
Ensemble, nous avons construit un écosystème tourné vers l’humain. La fi délité de nos collaborateurs est source de sérénité pour l’établissement, pour l’équipe, mais aussi pour les clients. Nous sommes convaincus que la cuisine attire les gens et que le service les fait revenir !
Nous sommes tous des maillons interdépendants dans cette formidable chaîne vertueuse qu’est la restauration : restaurateurs, producteurs, artisans, commerçants, consommateurs, etc. Elle est aussi révélatrice du climat, des productions locales, que de la vie socio-politique. C’est une vitrine de nos terroirs, et nous avons même le pouvoir de faire renaître des produits disparus en les faisant découvrir au monde.
En Alsace, notre identité culinaire est ancrée dans nos gènes. Notre mission est de célébrer la diversité culinaire et reconnaître que chaque culture a une contribution précieuse à apporter à notre patrimoine gastronomique commun. J’ai été ravi d’apprendre que le Guide Michelin délocalisait sa cérémonie des étoiles en région. Avec le soutien de mes collaborateurs, nous avons déposé un dossier pour l’accueillir en Alsace.
C’est ainsi qu’en mars dernier, durant 48 heures, nous avons pu montrer tout le potentiel de notre région aux 680 chefs étoilés d’Europe présents pour l’occasion, leur faisant découvrir les richesses de notre terroir, de notre culture et de notre gastronomie.
Pour cette année exceptionnelle, nous avons également mis en place des événements afi n de soutenir les jeunes talents et leur offrir des opportunités d’aides financières.
Derrières les étoiles du Guide Michelin, il y a des émotions, des histoires humaines, des savoir-faire et un prodigieux ascenseur social. Je sais à quel point, en partant de rien, on peut arriver haut !
Tout cela contribue à la renommée de notre région, qui bénéfi cie ainsi d’un rayonnement mondial et de retombées directes pour le tourisme – qui représente déjà 57 000 emplois et 8% du PIB local !
