Carte blanche de Jean-Michel Eblin

Le printemps m’évoque le renouveau, la fraîcheur et les bons produits. C’est la saison des morilles et des asperges par exemple. Cette saison est aussi synonyme de renouveau pour le restaurateur. Les gens sortent de leur torpeur hivernale, sont curieux et prêts à célébrer cette renaissance. C’est l’opportunité de changements, l’occasion de se remettre en question, bref : d’aller plus loin dans les expériences culinaires. On peut s’exprimer de nouvelles façons avec de nouveaux produits et de nouvelles idées – sans réinventer le métier (j’aime les classiques de la cuisine et ma clientèle me suit aussi pour cela). Il suffit parfois de garder le meilleur des années passées et de l’enchanter avec plus de couleurs et de fête !

Grâce à un terroir fertile et une situation géographique idéale, l’Alsace est une région qui a toujours été riche, et qui sait mettre en lumière ses bons produits. Très tôt, les alsaciens ont pu se permettre de bien boire et bien manger, la culture de la bonne chère y est donc solidement ancrée.

Comme beaucoup d’entre nous, la passion de la cuisine me vient de ma mère et de ma grand-mère, deux très grandes cuisinières ! J’aidais en pâtisserie tout particulièrement. Elles m’ont transmis le goût des bonnes choses. C’est la raison pour laquelle la cuisine est, à mon sens, synonyme de fête, de convivialité et de partage en famille. Par ailleurs, je descends d’une famille de viticulteurs pour qui le vin et le repas ont toujours été importants et étroitement liés.

En tant que chef, on apprend à connaître et à aimer la restauration en la vivant. Travailler avec des femmes et des hommes passionnés par ce qu’ils font, donne l’envie de se surpasser. À l’avenir le métier pourrait se compliquer. Il y aura toujours la « grande restauration », tandis que certains subissent déjà le manque de personnel, les difficultés d’approvisionnement et la hausse des prix. Pour autant le monde aura toujours besoin d’échange et de convivialité. La cuisine en est un bel exemple.

Il faudra certainement bousculer nos habitudes. Les populations demandent de plus en plus de choses étonnantes et spectaculaires. Dans un restaurant à San Francisco, il y a un piano central où les cuisiniers élaborent des plats au fil des commandes sous les yeux des clients. Cette expérience centralise l’humain, incitant les consommateurs à se mélanger et à échanger avec les cuisiniers. Si notre travail tient parfois du show, il reste centré sur le partage.

Quand on est restaurateur, il faut aimer donner du plaisir et partager avant tout. C’est ce qui donne du sens à nos métiers.

Jean-Michel Eblin
Chef de cuisine Le Maximilien*